Sœur Louise Barrot

Groupe de blessés Hôpital Civil

Si on retient de la Grande Guerre les noms des grands Généraux, il est beaucoup de héros dont les noms sont aujourd’hui méconnus voire oubliés. Tel est le cas de Sœur Louise Barrot, née Françoise Ursule Barrot le 31 mai 1864, à Vayrac (Lot). Ayant choisi de passer sa vie au service des autres, elle entra dans la congrégation des sœurs de Saint-Charles après ses études. En région parisienne jusqu’en 1903, elle devint infirmière hospitalière par suite des lois sur l’enseignement laïque. En avril 1903, elle fut envoyée à l’hôpital civil puis succéda à la supérieure Mère Eugène Picard en tant que supérieure et directrice de l’école d’infirmière en 1907.

Sous les bombardements : une intervention chirurgicale dans les abris de l'hôpital civil, Nancy
Sous les bombardements : une intervention chirurgicale dans les abris de l’hôpital civil, Nancy

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Regroupons ici les quelques informations de son action pendant la Grande Guerre retracés à travers le livre « Les hospices civils de Nancy pendant la guerre : 1914-1918 » de Marcel Gauguery, alors économe des Hospices Civils de Nancy.

Lors des jours précédant la mobilisation, la Commission Administrative des Hospices civils de Nancy fit appel à la Congrégation des Sœurs de Saint-Charles, priant Sœur Louise Barrot de mettre à la disposition de ses établissements toutes les sœurs disponibles, et de se charger du recrutement des bénévoles souhaitant œuvrer au sein des Hospices civils pendant la guerre.

Sous les bombardements : une intervention chirurgicale dans les abris de l'hôpital civil, Nancy
Sous les bombardements : une intervention chirurgicale dans les abris de l’hôpital civil, Nancy

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Fidèle à sa mission, Sœur Barrot prodiguera des soins aux blessés tout en administrant sa congrégation dès le début des hostilités. Le 6 janvier 1916, le président de la République Poincaré Se rend à Nancy afin d’adresser aux nancéiens ses félicitations pour leur tenue et leur sang-froid lors des bombardements terribles que la ville subit depuis septembre 1914. Visitant à cette occasion l’Hôpital civil afin de saluer les blessés, accompagné de M. le général Duparge, de sa maison militaire, du préfet Mirman, de Gustave Simon, maire de Nancy, et de M. le général Després, commandant du détachement d’armée de Lorraine. Sœur Louise recevra à cette occasion sa première décoration militaire. Gauguery relate ainsi cet évènement : « Le général Després, sachant être dans les sentiments de la population tout entière, proposa à M. le Président de la République de citer à l’ordre du détachement d’armée de Lorraine Mme la Supérieure de l’Hôpital civil, Sœur Louise Barrot, en raison de sa noble, conduite depuis le début de la guerre et de son dévouement aux malades qui lui étaient confiés. M. le Président de la République ayant aussitôt acquiescé à cette proposition, M. le général Després décrocha de son dolman la croix de guerre avec palme qu’il portait, pour la remettre au Chef de l’État, qui l’épingla sur la poitrine de Sœur Louise, au milieu de la satisfaction générale de tous les assistants. Il serait, croyons-nous, superflu de nous étendre longuement sur cet événement, qui par lui-même comporte toute sa signification. Rappelons cependant avec quels sentiments de joie et d’approbation fut accueillie en ville, et dans toute la région, cette haute distinction que l’on trouva d’autant mieux placée que la réputation qu’avaient valu à Sœur Louise son inlassable charité vis-à-vis des pauvres, son extrême amabilité et l’ascendant moral qu’elle avait acquis dans toutes les classes de la société lorraine, n’avait fait que croître depuis le début des hostilités. ».

Raymond Poincaré Hôpital Civil

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La population civile est également reconnaissante de l’assistance que Madame Barrot offre aux victimes de guerres. « En mars 1918, un généreux industriel de Frouard, M. Puech, maître de forges, offrit à Sœur Louise Barrot, une superbe collection de six gros obus de sa fabrication, depuis le 164 D jusqu’au 370. Mme la Supérieure, dans un sentiment de très louable générosité et de très grand attachement à nos hôpitaux, décida de leur en faire don, pour orner le futur musée de guerre dont la Commission administrative avait projeté la création. Ce sont ces magnifiques objets qui ont été provisoirement déposés à l’Hôpital civil, dans la salle des séances de la Commission administrative, où leur collection a été quelques mois plus tard complétée par trois grosses torpilles d’avions, également offertes par Sœur Louise, et par une petite bombe incendiaire… ». Les six gros obus offert par monsieur Puech sont visibles de nos jours à l’Historial de Péronne, dans la Somme. Une plaque est apposée sur chacun d’eux pour rappeler le dévouement de Sœur Barrot.

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Le 12 juin 1918, la médaille d’argent de l’assistance publique est décernée à Sœur Louise Barrot. Cette récompense et le témoignage officiel de la reconnaissance du pays pour sa grande bonté et son inlassable charité envers les malades et les vieillards.

Le 20 septembre 1918, le maréchal Foch et son chef d’état-major, le général de division Weygand, visiter vers 17h l’hôpital civil. Commandant le 20e corps avant la guerre et au début de celle-ci, le maréchal Foch avait en effet un attachement fort envers l’hôpital civil. cette visite n’ayant pas été prévu, il fut reçu par l’ordonnateur des Hospices, Albert Jambois, par M. Gauguery, et sœur Louise Barrot. Huit jours plus tard, Louise Barrot était victime d’un accident automobile qui faillit lui coûter la vie ainsi que celle de Sœur Marguerite Daval, supérieure de l’hospice Saint-Julien, et de leur Mère. Leur véhicule, à 3 km à peine de Nancy, dérapa sur la chaussée et s’écrasa contre un arbre. Gravement contusionnées, elles furent ramenées à l’Hôpital civil par des passants, où elles furent soignées.

Visite Hôpital Civil

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Le 2 décembre 1918, par décret présidentiel, Sœur Louise fut décorée Chevalier de la Légion d’honneur. Laissons la plume de Gauguery redonner vie à cet événement :
« Quelques jours plus tard, un événement important, dont l’éclat rejaillissait sur nos hôpitaux, devait nous combler de joie. Nous apprenions, en effet, que M. le Maréchal Foch viendrait le dimanche 29 décembre remettre à Mme Sœur Louise Barrot, Supérieure de l’Hôpital civil, la croix de chevalier de la Légion d’honneur, qui lui avait été conférée par décret présidentiel en date du 2 décembre précédent, pour sa belle conduite pendant la guerre et les éminents services que, dans nos hôpitaux, elle avait rendu au Service de Santé militaire. Nous ne rappellerons pas en détail les titres de Sœur Louise qui lui ont valu sa promotion dans notre grand ordre national. Tout le monde à Nancy les connaît. Son esprit d’initiative, son talent d’organisatrice, son courage de tous les instants sous les bombardements, son dévouement admirable allant jusqu’à l’abnégation, et sa grande charité ne l’avaient-ils pas placée sous les yeux de tous !
La croix de la Légion d’honneur venait consacrer d’une façon éclatante les brillants états de service de notre Supérieure dont la première reconnaissance officielle remontait au 7 janvier 1916, date à laquelle M. le Président de la République, à la suite des premiers bombardements par pièce à longue portée, lui avait épingle sur la poitrine la croix de guerre avec palme. Aussi, M. le Maréchal Foch, voulant donner à Sœur Louise un témoignage de sa sympathie personnelle et montrer tout le prix qu’il attachait à cette haute distinction, acceptât-il de venir lui en remettre lui-même l’insigne.
La cérémonie devait avoir lieu à trois heures et demie de l’après-midi, dans la cour d’honneur de l’Hôpital civil qui, pour la circonstance, avait été pavoisée comme aux plus grands jours de fête. Malgré la pluie menaçante ce jour-là, la foule commença à arriver vers deux heures et grossit bientôt au point d’atteindre le chiffre d’environ un millier de personnes.
Une compagnie du 86e régiment d’infanterie, avec tambours et clairons, placée sous les ordres de M. le lieutenant-colonel Lormeau, major de la garnison, était venue se ranger en demi-cercle devant la chapelle. Notre personnel et des délégations de malades convalescents, de vieillards, d’orphelins, s’étaient placés en haie le long de l’allée centrale, pendant que les reporters et les photographes se choisissaient quelque bonne place.
Puis on avait vu arriver les nombreux amis de Sœur Louise, nos professeurs et leurs élèves avec leurs familles, les représentants de la magistrature, des facultés, des grandes administrations, de l’industrie et du commerce. Un détachement d’agents de police, commandé par le commissaire chef de la Sûreté, assurait le service d’ordre.
A trois heures et demie précises, le Maréchal, en tenue bleu-horizon, arrivait à l’Hôpital civil accompagné de son chef d’état-major, M. le général Weygand, de M. le général de Buyer, commandant la 20e Région, et de quelques officiers d’état-major.
Après avoir été reçu par la Commission administrative entourée de M. Martin, secrétaire général de la Préfecture, représentant M. le Préfet de Meurthe-et-Moselle, de M. Gustave Simon, maire de Nancy, de M. le recteur Adam, de Mgr Ruch, successeur de Mgr Turinaz à l’évêché de Nancy, et de nombreuses personnalités nancéiennes, le Maréchal remonta l’allée centrale pour se rendre sur le lieu de la cérémonie, pendant que Sœur Louise, entourée des deux Mères-Assistantes générales de sa Congrégation, sortait de la chapelle pour venir prendre place sur le terre-plein.
Ce fut un moment aussi émouvant que solennel. Le Maréchal, ayant commandé d’une voix forte et brève : « Ouvrez le ban », on entendit les tambours battre el les clairons sonner. Ayant ensuite prononcé la formule officielle d’usage, le Maréchal accrocha l’étoile des braves surin poitrine de Sœur Louise, à qui il exprima ses sentiments de profonde satisfaction de pouvoir reconnaître publiquement son dévouement patriotique et sa charité chrétienne dépensés au service de nos blessés. Puis, sur un ordre du Maréchal, les tambours et les clairons retentirent de nouveau. Après quelques paroles de remerciement adressées au Maréchal par M. Gustave Simon, maire de Nancy, et M. Albert Jambois, conseiller général et ordonnateur des hospices, en l’absence du vice-président de la Commission administrative, M. Alfred Krug, empêché d’assister à la cérémonie, le Maréchal se rendit à la salle des séances de la Commission des hospices, où, là, il connut le revers de la gloire. Pendant en effet que les amis de Sœur Louise s’empressaient autour d’elle pour la féliciter, les admirateurs du vainqueur des Boches sollicitèrent des autographes qu’il distribua avec une bonne grâce souriante. Enfin, vers quatre heures et demie, le Maréchal regagna sa voiture, acclamé par la foule qui l’attendait à sa sortie de l’Hôpital.
 ». Sœur Louise Barrot sera promue officier de la Légion d’Honneur le 31 décembre 1938, sur rapport du Ministre de la Santé Publique.

Ajoutons à la liste des récompenses du dévouement et du mérite de Sœur Barrot la médaille de 2e classe (argent) de la reconnaissance française. Ainsi s’achève notre hommage à une femme dont la mémoire ne subsiste que par quelques livres anciens et documents d’archives, mais dont le dévouement et la générosité ont contribué au rétablissement et à l’espoir de nombreuses personnes durant la guerre. Son histoire ne s’arrête d’ailleurs pas ici, puisque, d’après le site www.professeurs-medecine-nancy.fr, « pendant la Seconde Guerre mondiale, elle fit preuve d’héroïsme en barrant de son propre corps l’entrée de l’hôpital Central aux troupes allemandes qui s’apprêtaient à occuper l’établissement. Les Allemands, fermement décidés à pénétrer à l’hôpital, l’adossèrent à un arbre et ils étaient sur le point de la fusiller quand, par un hasard miraculeux, un officier allemand survint à ce moment-là et reconnut sœur Louise qu’il avait rencontrée pendant la Première Guerre. Grâce à l’intervention courageuse de sœur Louise, l’hôpital Central ne fut jamais occupé par les Allemands contrairement à la plupart des autres établissements des Hospices civils de Nancy, mais resta réservé aux Français civils et militaires.
Sœur Louise ne devait pas voir la fin de la guerre. Elle succomba brutalement au soir d’une journée de labeur, le 23 février 1942 à l’âge de soixante-dix-sept ans, après quelques cinquante-cinq années de vie religieuse, dont trente-neuf années passées à l’Hôpital Central. ».

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