Le Mort Homme

Le Mort Homme

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Cette crête, composée de deux point hauts, a été le théâtre d’affrontements violents durant la Bataille de Verdun. Le nom ne provient cependant pas de la Première Guerre Mondiale, mais d’avant. Deux théories existent : un inconnu y aurait trouvé la mort, ou un orme aurait été abattu par la foudre à son sommet. Le nom « Le Mort Orme » se serait transformé au fil du temps en « Le Mort Homme ».

Texte tiré du panneau explicatif sur place :
Lors du déclenchement de l’offensive allemande sur la rive gauche du fleuve Meuse, le 6 mars 1916, la ligne de front passe par Regnéville, Forges, la Côte de l’Oie, Béthincourt, le bois de Malancourt et Malancourt. C’est le rempart de « la position principale de résistance » qui s’appuie sur les collines du Mort-Homme (295 mètres) et de la Cote 304 (304 mètres), bordées à l’est par Cumières et à l’ouest par Avocourt. Les « deux piliers sur la rive gauche de la défense de Verdun, séparés par le ravin de la Hayette (ruisseau de Montzéville), sont des observatoires naturels de première importance.
Âprement disputés, ils seront pris et repris plusieurs fois tout au long de la bataille par chacune des deux armées. En arrière du Mort-Homme et de la Cote 304, le dispositif français est complété par les forts de Vacherauville et Bois Bourrus équipés de canons.
Le rôle stratégique du secteur Mort-Homme-Cote 304 impacte dès septembre 1914 Gercourt-Drillancourt, Regnéville, Forges, Béthincourt, Malancourt, Avocourt, soumis aux bombardements, voire aux attaques d’infanterie. Villages que les habitants évacuent spontanément, quand ils ne sont pas expulsés, voire déportés par les Allemands. En 1915, le front est stabilisé mais l’étau se resserre.
En février 1916, quelques jours avant le début de l’offensive allemande, l’autorité militaire à Verdun prescrit, en particulier, les évacuations des derniers habitants de Regnéville, Champneuville, Cumières et Esnes-en-Argonne.
A partir du 21′ février 1916, les douze villages de Gercourt-Drillancourt, Regnéville, Forges, Béthincourt, Malancourt-Haucourt, Avocourt, Esnes-en-Argonne, Montzéville, Chattancourt, Marre, Cumières et Champneuville, systématiquement bombardés, sont détruits ou en grande partie. Après-guerre, seuls Cumières et le hameau d’Haucourt ne sont pas reconstruits. Les autres villages sont reconstruits, peu ou prou, à l’emplacement du site originel, tandis que ceux de Béthincourt et Forges s’établissent à distance des sites classés en « zone rouge », comme tout ou partie du territoire de la majorité de ces communes. Car et c’est ce qui distingue Verdun des autres batailles « les destructions étaient telles que la reconstruction et la remise en état des cultures étaient impossibles. Aujourd’hui encore, la moindre fouille met au jour des débris humains et des obus non explosés ».

L’offensive allemande sur la rive droite (21-26 février 1916)
Le 21 février, les villages disparaissent sous les tirs d’artillerie. Sur la rive droite de la Meuse, malgré le sacrifice des défenseurs, les lignes françaises sont enfoncées. Le 25 février, les Allemands progressent de 8 kilomètres et prennent Champneuville, la Côte du Talou et le fort de Douaumont. Mais dès le 26 février, l’offensive allemande ralentit. Avec l’arrivée des premiers renforts, les Français attaquent de front sur la rive droite et emploient les batteries de la région du Mort-Homme situées sur la rive gauche.

L’offensive allemande sur la rive gauche
Le 6 mars, les Allemands changent de stratégie et attaquent sur les deux rives de la Meuse pour prendre Verdun en tenaille : à l’est, en direction du fort de Vaux et à l’ouest, en direction des hauteurs du Mort-Homme où l’attaque allemande se concentre sur 6 kilomètres de front. Malgré l’emploi massif de leur artillerie, comparable à celui du 21 février, les troupes allemandes sont ralenties, voire arrêtées par les feux des canons français. La bataille d’infanterie fait rage. L’assaillant devient défenseur. Le défenseur devient assaillant. L’offensive allemande progresse lentement mais les succès partiels sont chèrement payés. Du 6 au 10 mars, les Français perdent Regnéville, Forges, la Côte de l’Oie, le bois des Corbeaux et le bois de Cumières.
Du 11 mars au 8 avril, la cote 265 du Mort-Homme, les bois d’Avocourt et Malancourt, les villages de Malancourt, Haucourt tombent. Béthincourt est évacué. Mais le Mort-Homme tient bon et la Cote 304 n’a pas pu être attaquée.
Les 9 et 10 avril, les Allemands attaquent alors sur un front plus large : par l’ouest et au nord sur la Cote 304, puis par le nord sur le Mort-Homme. Au soir du 10 avril, les Allemands prennent le sommet du Mort-Homme (cote 295), tandis que les Français se retranchent sur la pente, au sud, « accrochés par les ongles ». Le 20 avril, la contre-offensive française reprend le sommet du Mort-Homme que les Allemands décident, dans un mouvement tournant, de faire tomber par l’ouest, en s’emparant de la Cote 304. Les tirs de l’artillerie allemande commencent le 3 mai et durent deux jours et une nuit. D’après le soldat français Louis Barthas, la Cote 304 et le Mort-Homme sont « comme deux volcans en éruption, il s ‘en échappait des nuages de fumée au milieu de laquelle s ‘apercevait la flamme des explosions comme des jets de lave incandescente ». Du 5 au 22 mai, les attaques allemandes s’enchaînent, comme autant de coups de boutoir, d’Avocourt au ravin de la Hayette. Les Allemands réussissent finalement à déborder la Cote 304 par l’ouest et à s’accrocher aux pentes nord. Sur le Mort-Homme, le 23 mai, les Allemands rejettent les Français au bas de la cote 295 et prennent le bois des Caurettes. Le 24 mai, Cumières tombe. Le 29 mai, les Français se replient sur la ligne qui passe au nord de Chattancourt, mais les assaillants sont arrêtés par une contre-attaque et les feux de l’artillerie française. Comme en témoigne un soldat allemand le 31 mai : « Depuis quatre jours et quatre nuits dans la tranchée, comment peut-on y résister ? Nous souffrons horriblement du feu de l’artillerie : toujours obus sur obus. La 12e compagnie n’a plus que 60 hommes de 180 qui sont montés en ligne… et pas d’eau. Le ravitaillement est impossible. Jour et nuit pas un instant de trêve, toujours sur le qui-vive, être prêt à tout instant à faire le coup de feu, et toujours ce feu d’artillerie. Les obus ! Les obus ! C’est à devenir fou… Et voilà que ça recommence ! Le Francillon canarde. Ah ! Ce Mort-Homme, c’est le plus sale coin de toute la zone des armées. Et combien de victimes ce coin a-t-il coûtées ? Combien en coûtera-t-il encore ? ».
Du 4 au 24 juin, les Allemands reprennent leurs attaques et tentent à partir du ravin du bois Camard de forcer le passage du Col de Pommérieux (cote 290) pour tourner à la fois le bois d’Avocourt et la Cote 304. Mais les assauts, à chaque fois, sont repoussés. Les positions tenues sont globalement les positions les plus avancées qu’ils parviendront à conquérir. Les Français s’accrochent aux pentes sud des deux piliers de la défense de Verdun. L’offensive allemande sur la rive gauche échoue. « Ils n’ont pas passé ». Mais les régiments français et allemands fondent dans la fournaise. Les pertes dans les deux camps sont très lourdes. La bataille de Verdun se termine fin août pour les Allemands, après le remplacement de Falkenhayn et l’échec de l’offensive du 11 juillet arrêtée près du fort de Souville. Pour les Français, elle se poursuit jusqu’à la reprise des forts de Douaumont, Vaux et l’offensive du 15 décembre qui repousse les Allemands sur une ligne proche de celle du 20 février. Mais, rive gauche, Mort-Homme et Cote 304, qui ont été si chèrement défendus, sont toujours aux mains des Allemands. Il faut attendre l’offensive française du 20 au 24 août 1917 pour reconquérir, après de sanglants combats, le Mort-Homme et la Cote 304.

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Les tunnels du Mort-Homme
De juillet 1916 à 1917, les Allemands creusent trois grands tunnels dans la région du Mort-Homme qui « constituent une liaison souterraine et couverte depuis les positions intermédiaires jusqu’aux premières lignes ». Deux tunnels, pris le 20 août 1917 par les 96e et 81e Régiments français d’infanterie, se situent à l’est du ravin de la Hayette, derrière le Mort-Homme, l’un, tunnel du Kronprinz (environ 1000 mètres de long), relie le ravin de Cumont à la tranchée de Silésie ; l’autre, le tunnel de Bismarck (environ 500 mètres de long) entre la tranchée de Silésie et celle de Fay. Enfin, vers le bois des Corbeaux s’ouvre le tunnel de Gallwitz (environ 1000 mètres de long) dont s’empare le 20 août 1917 le 7e Régiment de marche de Tirailleurs Algériens soutenu par le 8e Régiment de Zouaves.

Témoignage d’un jeune sous-lieutenant allemand d’artillerie tiré d’un panneau explicatif du site :
« Le chemin qui y mène n’est pas commode. Il faut traverser le Bois des Corbeaux qui n’est plus qu’un enchevêtrement de troncs éventrés, de cratères d’obus, de branches, de fils de fer, puis franchir sous les tirs nourris des boyaux à moitié éventrés par les obus. Porteurs de ravitaillement et hommes de relève avancent avec moi, et nous croisons des blessés avec des visages au teint gris qui repartent vers l’arrière en titubant. L’air est rempli de l’odeur douçâtre des corps en décomposition. Ici, en première ligne, on n’a pas le temps d’enterrer les morts. Pratiquement toutes les nuits, un camp ou l’autre passe à l’attaque, et les tranchées changent presque continuellement de mains. La nuit, en première ligne, tout le monde est aux aguets, prêt à lancer un assaut ou à parer à un de l’adversaire. Pendant la journée, il ne faut pas bouger pour ne pas être vu. Les sections sont silencieuses, vigilantes, conscientes de leur devoir. Même si tous sont mal nourris, épuisés, trempés) couverts de boue, les pieds endoloris par la pluie et l’humidité permanente, chacun fait son devoir. Un assaut est lancé quelque part. Notre guetteur tire des fusées éclairantes les unes après les autres. Autour de nous s’abat une pluie d’obus. Nous restons allongés. Les tirs s’intensifient. Je me mets debout pour observer la situation afin de pouvoir rendre compte, je monte sur la banquette où se trouve le poste de guet puis je repars chercher un meilleur emplacement pour l’observation. Soudain, un projectile met en pièces le poste de guet. Les tirs finissent par s’espacer. Je retourne à ma place et m’allonge dans la rangée que forment les autres avec leurs corps. La pluie me tombe sur le visage. Les obus qui percutent le sol en permanence provoquent des retombées de pierres et de terre. Malgré tout, je cède à l’épuisement et mes yeux se ferment ».

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