Texte tiré du Cours de fortification. 2me partie. Fortification permanente. 3me section, la fortification permanente pendant la guerre 1914-1918. 1er fascicule / Lt-Colonel Lazard. Consultable sur Gallica
CHAPITRE II – LA CHUTE DE LIÈGE
§ 1 – LA PLACE DE LIÈGE EN 1914
La ville de Liège est située au confluent de la lieuse avec l’Ourthe et la Vesdre, à 15 Kms de la frontière hollandaise et à 25 Kms de la frontière allemande. Il y passe 7 voies ferrées et 17 grandes routes. Elle commande, notamment, les itinéraires de Cologne à Paris ou à Bruxelles par Aix-la-Chapelle.
La Place ne comporte pas d’enceinte continue. En 1859, (réorganisation de la défense Belge), on n’avait conservé à Liège que 2 ouvrages antérieurs à 1815 : la Citadelle, sur la rive gauche de la Meuse, et un vieux fort bastionné, la Chartreuse, sur la rive droite.
En 1887, fut décidée la création à Liège d’une double tête de pont permanente, en vue d’interdire les voies de communication et de faciliter les manœuvres de l’armée de campagne. Les travaux, exécutés de 1888 à 1892, sous la direction du Général Brialmont, comportèrent la création de 12 forts, situés à 6 Kms en moyenne du centre de la ville, espacés de 2 000 à 6 500 mètres, et répartis sur un périmètre d’environ 52 Kms.
En 1914, l’organisation permanente comprenait donc :
a) la Citadelle et la Chartreuse (ouvrages déclassés en 1891, mais non démolis) ;
b) Une ligne de défense extérieure comprenant les 12 forts précités.
c) Des dispositifs permanents de destruction dans un certain nombre d’ouvrages d’art, (ponts et tunnels), situés dans la zone d’action de la Place (43 étudiés, 22 réalisés ).
§ 2 – LES FORTS
Il y avait 6 grands forts, 3 sur la rive gauche de la Meuse du Sud au Nord : Flémalle, Loncin et Pontisse, et 3 sur la rive droite (du Nord au Sud : Barchon, Fléron et Boncelles).
Il y avait en outre 6 petits forts placés dans les intervalles des premiers (Hollogne, Lantin, Liers, Evegnée, Chaudfontaine, Embourg).
A remarquer que dans 2 intervalles (Loncin – Pontisse et Fléron – Boncelles) il y avait 2 ouvrages intermédiaires.
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Les Forts
Les forts de Liège ont été construits de 1888 à 1892. Ils possèdent un massif central bétonné représentant assez exactement le fort préconise par le Commandant du Génie Mougin, bloc énorme de béton d’où émergent des coupoles de divers calibres (12, 15, 21 cm) et un phare cuirassé à éclipse.
Les locaux bétonnés possèdent des voûtes dont l’intrados est en plein cintre ou en anse de panier, et l’extrados horizontal. L’épaisseur à la clef est de 2 m 50 pour les portées inférieures ou égales à 5 m 50. Elle est de 4 m 50 pour la portée de 8m. Le béton est en 2 couches, une extérieure, riche, et une intérieure maigre.
Les murs verticaux ont une épaisseur variable suivant les coups à craindre, 1 m 50 à 3 m pour les murs de fond, 1 m 20 à 2 m pour les murs de masque.
Le béton n’est pas armé. Il est fait usage de 2 types de béton dont les dosages au mètre cube sont les suivants (approximativement).
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Les Cuirassements
A – Coupole pour obusier de 21 cm (analogue aux cuirassements allemands de Metz). – Cuirasse à 2 couches de fer laminé de 8 cm et 6 cm, montée sur une double tôlerie de 4 cm d’épaisseur totale.
Avant-cuirasse en fonte durcie de 30 cm d’épaisseur. Collerette en béton confondue avec le massif central. Épaisseur minima d’environ 6 m.
B – Coupoles tournantes pour canons de 12 et 15 cm. Calotte en fer laminé composé de 3 voussoirs de 20 cm d’épaisseur, avec 2 tôles de doublage de 2 cm.
Avant-cuirasse en fonte durcie de 0 m 24- d’épaisseur moyenne.
Collerette en béton confondue avec le massif central.
C – Tourelle à éclipse pour un canon de 57 T.R. Calotte en fer laminé de 0 m 10 d’épaisseur.
Avant-cuirasse en fonte durcie, de 0 m 24.
Collerette en béton d’environ 3 m 50 d’épaisseur.
Les Grands forts comprenaient 5 coupoles tournantes pour pièces à action lointaine (1 pour 2 pièces de 15, 2 pour 2 pièces de 12 et 2 pour un obusier de 21 cm). Ils possédaient en outre 4 coupoles pour 1 canon de 57 à tir rapide (aux saillants).
Les petits forts n’avaient qu’une coupole pour obusier de 21 cm et 3 coupoles pour canon de 57.
Tous ces forts présentaient un tracé triangulaire ou quadrangulaire, avec fossés secs, à contrescarpe revêtue, flanqués par coffres de contrescarpe, front de gorge bastionné, quelquefois rectiligne.
Les abris étaient réunis sur le front de gorge, partie sous l’escarpe, et partie sous la contrescarpe, disposition défavorable et qui exposait les façades aux coups. Il n’y avait pas d’observatoire dans les ouvra ces. L’observation se faisait, soit par les ouvertures des coupoles, soit par des observatoires souvent éloignés.
En résumé, il y avait dans les forts :
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§ 3 – LES INTERVALLES
Aucune organisation permanente n’existait dans les intervalles. Les organes d’action lointaine et d’action rapprochée étaient concentrés dans les forts, qui ne se flanquaient pas mutuellement (c’est un caractère sur lequel il convient d’insister), et ne possédaient pas d’organe spécial de flanquement des intervalles par le canon à tir rapide. En somme, si l’on remarque que chaque fort barre une ou plusieurs voies de communications, l’impression bien nette est que ces forts ont plutôt le rôle de forts d’arrêts, que celui de points d’appui dans la zone principale de défense d’une grande place. Par ailleurs, les forts, quoique bien adaptés au terrain, se voient mal entre eux, et surtout sont trop visibles. En outre les abords, boisés et vallonnés, présentent de nombreux angles-morts qui ne sont ni vus, ni battus. De profonds ravins débouchent au glacis même de certains forts.
Liège est donc une sorte de place d’arrêt, composée d’un certain nombre de forts isolés, véritables forts d’arrêt, mais qui ne peuvent ni s’appuyer ni assurer le flanquement des intervalles par le canon à tir rapide. C’est d’ailleurs là un caractère essentiel de la fortification de Brialmont. La faiblesse des intervalles constitue un défaut capital dans les organisations dues à cet éminent Ingénieur militaire. Il accordait trop de confiance aux ouvrages principaux, sans se rendre compte des possibilités d’infiltration par les troupes de campagne, possibilités dont la dernière guerre a tant démontré l’importance.