Répartition des missions entre les différents matériels d’artillerie

6é Bataillon d'artillerie - Toul

Cet extrait de l’instruction provisoire sur le service en campagne de l’artillerie de 1919 présente les différents matériels utilisés suivant les unités, ainsi que leurs conditions d’utilisation. La philosophie reste bien sur l’optimisation des résultats et la recherche de l’efficacité maximale des tirs conte objectifs. Un document intéressant pour comprendre les choix opérés en campagne, ainsi que l’utilisation de certains calibres spécifiques (A.L.G.P. notamment) face à des situations particulières.


ARTICLE IV. Répartition des missions entre les différents matériels.

9. Le Commandement doit tenir compte, dans l’emploi des unités dont il dispose, de l’aptitude aux différentes missions que confèrent à chaque matériel ses propriétés particulières.
Sous ce rapport, l’artillerie se répartit entre les catégories suivantes :

Artillerie légère

1° Artillerie légère. — Caractéristiques : petit calibre, tir rapide et tendu, puissance faible, portée pouvant atteindre jusqu’à 10,000 mètres, grande mobilité tactique avec la traction hippomobile, grande mobilité stratégique avec la traction automobile ou l’emploi de la voie ferrée.
Son rôle principal est l’appui direct de l’infanterie par des tirs exécutés contre le personnel, les chars blindés, etc. Elle peut également participer à d’autres missions, telles que : contre-batterie sur des objectifs non protégés ou faiblement protégés, destruction de défenses accessoires, interdiction, harcèlement, aveuglement par obus fumigènes, infection du terrain par obus toxiques.

Elle se subdivise, au point de vue des moyens de transport utilisés, en :
Artillerie montée (batteries de 75 des D. I. (Divisions d’Infanterie) ou de la R. G. A. (Réserve Générale d’Artillerie)), d’une grande mobilité tactique, apte à suivre le combat d’infanterie en toutes circonstances, et à peu près en tout terrain ;
Artillerie à cheval (batterie de 75 des D. C(Divisions de Cavalerie)), encore plus mobile que la précédente, apte à suivre le combat de cavalerie ;
Artillerie bâtée (batterie des 65 montagne), apte à suivre le combat en pays de montagne, ou en terrains difficiles, à pentes raides, boisés, très bouleversés, etc. ;
Artillerie portée (batteries de 75 non endivisionnées), que le transport sur camions automobiles rend peu mobile au cours du combat même, mais qui se prête à de rapides déplacements de grande amplitude.

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Artillerie lourde courte

2° Artillerie lourde courte. — Caractéristiques : tir généralement plongeant, portée moyenne (c’est-à-dire de 10 à 15 kilomètres environ), puissance moyenne ou grande suivant les matériels, débit généralement assez -fort, assez grande mobilité tactique avec la traction hippomobile, grande mobilité stratégique avec la traction automobile ou l’emploi de le voie ferrée.
Cette artillerie comprend les calibres de 155 C. et de 220. Elle est particulièrement apte à la destruction des organisations ennemies. Elle convient également très bien, dans ses limites de portée, aux tirs de contre-batterie, éventuellement de neutralisation et d’interdiction.
Elle s’emploie aussi à des tirs contre le personnel, soit pour la protection des attaques, soit contre les troupes assaillantes défilées ou protégées.

Elle se subdivise au point de vue du transport en :
Artillerie hippomobile, de caractéristiques analogues à celles de l’artillerie légère montée, mais de mobilité moindre ;
Artillerie à tracteurs, de caractéristiques analogues à celles de l’artillerie légère portée, mais de mobilité moindre.

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Artillerie lourde longue

3° Artillerie lourde longue. — Caractéristiques : matériel tirant à grande vitesse initiale et susceptible d’utiliser des vitesses réduites, portée moyenne ou grande (c’est-à-dire 15 kilomètres et au-dessus jusqu’aux environs de 20 kilomètres.), puissance moyenne, débit et mobilité généralement équivalents à ceux de l’artillerie lourde courte.
L’artillerie lourde longue comprend les calibres de 105, 145, 155 et 194. Tous ces matériels sont susceptibles de faire de la contre-batterie, de l’interdiction et du harcèlement dans les limites de leur portée.
Le 105 est peu efficace contre les batteries protégées y mais donne d’excellents résultats sur les batteries dont l’organisation est sommaire. Il convient particulièrement aux harcèlements, aux interdictions, aux tirs sur objectifs fugitifs. Sa mobilité est analogue à celle de l’artillerie légère.
Le 155 G. P. F., par son grand champ de tir et sa rapidité de changement d’orientation, se prête particulièrement bien aux tirs sur objectifs fugitifs et à la réalisation rapide de concentration de feux.
Le 145/155 convient plus spécialement aux interdictions dans les directions bien déterminées ne comportant pas de fréquents et rapides changements d’objectifs, et à l’attaque des ballons d’observation.
Le 155 L. S. 17 présente à peu près les mêmes caractéristiques que le 145/155, mais avec une portée un peu inférieure.

Les matériels de 155 L. hippomobiles ont une mobilité un peu moindre que le 155 c. hippomobile.
Les matériels à tracteurs (145, 155, 194) ont une mobilité équivalente à celle de l’artillerie lourde courte à tracteurs.
Certains matériels d’A. L, servis par l’artillerie à pied, sont dépourvus de moyens de transport et ne peuvent dès lors être employés que dans la défense ou dans la phase initiale de l’attaque d’une position fortifiée. En vue d’obvier à cet inconvénient, l’affectation de détachements de traction et de détachements d’attelages à l’artillerie à pied est à l’étude.

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Artillerie légère puissante (ou artillerie de tranchée)

4° Artillerie légère puissante (ou artillerie de tranchée). — Caractéristiques : portée faible (1,000 à 2,500 mètres) puissance moyenne ou grande, tir généralement plongeant, faible ou moyen débit, mobilité réduite, assez grande rusticité. Cette artillerie comprend des matériels de 150 et de 240. Elle convient à la destruction des organisations ennemies et aux tirs à obus toxiques. Portée sur des chars lourds, elle peut servir d’artillerie d’accompagnement.

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Artillerie lourde à grande puissance (A.L.G.P.)

5° Artillerie lourde à grande puissance (A.L.G.P.). — Caractéristiques : recherche de la puissance, soit puissance de portée, pour le tir d’un projectile à grosse charge d’explosif aux très grandes distances (au-delà de 20 à 25 kilomètres), soit puissance de destruction, pour le tir d’un projectile à très grosse charge d’explosif aux grandes distances, débit faible, mobilité très variable suivant le mode de transport.
L’A. L. G. P. comprend des pièces de divers calibres, depuis le 164,7 jusqu’au 520. Elle produit des effets extrêmement puissants de contre-batterie dans toute l’étendue de sa portée ; elle ne doit toutefois être employée dans ce rôle que contre les objectifs qui ne peuvent être efficacement battus par les autres artilleries, soit en raison de leur éloignement, soit à cause de leur protection.
Elle convient, en outre, aux interdictions lointaines, aux destructions d’objectifs importants éloignés (dépôts de munitions, gares, ouvrages d’art, etc…), ou d’organisations particulièrement solides du champ de bataille.
Certains de ces matériels n’ont pas de moyens de transport propres et ne peuvent dès lors être utilisés que dans la phase initiale d’une opération. D’autres sont équipés suivant le type de l’artillerie lourde à tracteurs ; mais ont une mobilité sensiblement inférieure à celle-ci, à cause de leur poids et de leur encombrement. D’autres enfin sont montés sur affûts circulant sur voie ferrée (artillerie lourde sur voie ferrée — A.L.V.F).
Ces derniers ont la mobilité stratégique maxima ; mais leur manœuvre sur le champ de bataille même présente souvent des difficultés sérieuses (Participent également de l’artillerie par leur armement et certaines de leurs conditions d’emploi, mais ne ressortissent pas à son commandement, l’artillerie anti-aérienne, les engins d’accompagnement et les chars blindés.).

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10. Dans l’emploi des différents matériels, il convient de tenir un large compte des possibilités de ravitaillement en munitions.
Les unités hippomobiles d’artillerie légère sont pourvues de voitures à munitions pouvant circuler en tout terrain ; il en est de même de certaines unités d’artillerie lourde. Les autres ne possèdent au contraire que des véhicules ne pouvant guère sortir des routes.
En outre, la plupart des unités ne peuvent transporter qu’une partie des munitions correspondant à leur consommation journalière, et doivent se constituer des approvisionnements supplémentaires auprès de leurs positions, pour être en mesure de donner tout leur débit.
Ces servitudes peuvent conduire à limiter la quantité d’artillerie à engager, à renoncer à l’occupation de certaines positions, à réduire la fréquence des déplacements.

11. Des caractéristiques qui viennent d’être exposées résulte la plus ou moins grande aptitude des différents matériels aux missions qui incombent à l’artillerie. Mais les canons de tous modèles peuvent toujours coopérer, le cas échéant, même avec une efficacité réduite, à l’ensemble de ces missions ; l’artilleur n’est jamais en droit de rester inactif, sous prétexte qu’il ne dispose pas du matériel le mieux approprié à l’intervention qui lui est demandée, ou qu’exigent les circonstances.

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