La tourelle Bussière du fort de Souville

Gravure de la Tourelle Bussière extraite du Génie Civil Tome X N° 11 du 15 Janvier 1887

Site dangereux, visite intérieure interdite au public !

Toutes les photos d’époque, sauf indication contraire, proviennent du site La Contemporaine et ont été recadrées par souci de lisibilité

Cette tourelle, construite en 1888, est l’un des premiers modèles créés par l’armée française pour équiper ses forts. En effet, les progrès en matière d’artillerie à la fin du XIXe siècle font naître le besoin de protéger mieux son artillerie, et de dissimuler les pièces à la vue de l’ennemi.

Les premiers cuirassements consistent à placer les pièces sous casemates, comme pour la casemate en fonte dure Mougin. Mais cette solution présente l’inconvénient de limiter le champs de tir de la pièce, et se révèle vite obsolète.

Vient ensuite l’idée de développer les pièces sous tourelle, comme dans la marine. La pièce est alors protégée sous un dôme de fer laminé, d’acier ou de fonte dure. les points faibles sont l’embrasure du ou des canons, qui fragilisent le bloc car vides de matière. Une des solutions pour répondre à ce problème fût la création de tourelles oscillantes et de tourelles rotatives, permettant de dissimuler les embrasures des frappes directes lors de l’approvisionnement des canons. Cependant, le temps de manœuvre de ces tourelles s’est vite révélé trop long, et l’armée a appelé les ingénieurs à de nouveaux projets.

C’est ainsi que les tourelles à éclipse font leur apparition. En 1888, une expérience est menée au camp de Chalons, afin de déterminer les performances et la résistance des tourelles d’artillerie. Une innovation est proposée par la société Fives-Lille : une tourelle à éclipse pour deux canons de 155 longs.

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Source : « De l’oppidum à l’enfouissement, l’art de la fortification à Verdun et sur les marches de l’Est », ed. Mémorial de Verdun, 1995 et La Contemporaine

Cette tourelle présente un avantage sur ses concurrentes : la position d’éclipse la rend moins visible à l’ennemi, et permet de réduire sa vulnérabilité lors des bombardements. Elle est actionnée par une machine à vapeur de 8 CV, lui permettant de monter, tirer et revenir en position d’éclipse en 14 secondes.

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Cependant, plusieurs défauts lui sont reprochés, et font qu’elle n’a jamais été produite : fragilité et complexité du mécanisme hydraulique, lenteur de la manœuvre, évacuation des gaz de la machine à vapeur. Le prototype est amélioré, avec l’installation d’une calotte bombée et la réduction du temps total de manœuvre (monter, tirer, descendre) à six secondes, et est installé au fort de Souville, près de Verdun. L’armée préfèrera le projet d’Alfred Galopin, qui propose une tourelle à éclipse pour deux canons de 155 longs mue à bras d’hommes.

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Aujourd’hui, la tourelle Bussière est à l’abandon et a souffert du vandalisme. Pourtant, elle a servi vaillamment lors de la bataille de Verdun en 1916, tirant 600 projectiles sur l’ennemi avant que son canon gauche ne soit neutralisé par l’explosion d’un obus défectueux. Elle sera remise en état et servira de poste de commandement, son canon manquant ne sera jamais remonté.

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Un contrepoids repose désormais à côté de son emplacement originel, témoin de cet épisode. En effet, il a été nécessaire de rééquilibrer le mécanisme pour faire fonctionner convenablement le mécanisme d’éclipse, basé sur l’équilibre entre le poids de la tourelle et celui de son contrepoids. Sans ce démontage, la tourelle n’aurait pu redescendre convenablement, et serait remontée trop vite, au risque d’endommager gravement le mécanisme et de blesser ses occupants.

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Cette pièce mérite plus de respect de la part des pouvoirs publics. Il serait judicieux de sauvegarder ce site, et pourquoi pas de confier sa restauration à une association pour qu’il soit enfin accessible en toute sécurité. Cette pièce unique marque un tournant dans l’artillerie sous tourelle, et fait partie de notre patrimoine fortifié. Elle est également un témoin de la bataille de Verdun, qui marqua l’opinion publique mondiale par sa portée symbolique.

La tourelle durant et après la bataille de Verdun. L’affût démonté est visible sur certaines photos.

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